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Bonjour Daniel, en tant que clarinettiste basse et professeur, peux-tu nous parler de ton parcours musical et de ce qui t'as attiré vers cet instrument en particulier ?
J'ai entamé mes études musicales à Valence au sein d'un groupe de musique. Quand il a fallu choisir un instrument, on m'a tout de suite orienté vers la clarinette basse. J'ai donc la particularité d'avoir débuté avec cet instrument avant d'apprendre la clarinette soprano en Sib pour compléter ma formation musicale en Espagne. Plus tard, j'ai poursuivi mes études de clarinette basse en décrochant un master au Koninklijk Vlaams Conservatorium d'Anvers, guidé par le maestro Jan Guns. Cet apprentissage m'a ouvert les portes de l'enseignement, des conférences, mais aussi de la scène, que ce soit en orchestres professionnels, symphoniques ou en musique de chambre à travers différents pays.
Ce qui me fascine dans la clarinette basse, c'est sa sonorité à la fois profonde et veloutée, sa capacité à produire des notes lyriques, sa dynamique allant du pianissimo le plus doux au fortissimo le plus puissant, et la richesse de sa tessiture qui peut atteindre cinq octaves.
Tu as été invité à donner des conférences dans divers conservatoires et écoles de musique. Comment perçois-tu ton rôle de conférencier et quels sujets aimes-tu aborder ?
Effectivement, j'ai eu l'opportunité d'intervenir à titre de conférencier et en masterclass sur la clarinette basse ainsi que sur la famille des clarinettes dans plusieurs conservatoires supérieurs et professionnels. Dans certaines de ces institutions, j'ai mis en avant les potentialités qu'offrent la clarinette basse et la clarinette contrebasse, notamment dans le contexte de la musique contemporaine. Ces instruments fascinants dévoilent une palette sonore presque infinie. Dans d'autres conférences, je me suis concentré sur l'histoire et l'évolution de la famille des clarinettes basses. J'ai présenté et démontré en live les caractéristiques de ses membres les plus emblématiques, incluant la clarinette alto, le cor de basset, la clarinette basse en Mib et Sib, ainsi que les clarinettes soprano en Do, Sib, La et Sol, les Requintos en Mib et Ré, sans oublier le précurseur de tous : le chalumeau.
Tu as collaboré avec plusieurs ensembles à vent et orchestres professionnels. Quels ont été tes moments les plus mémorables en tant que soliste avec ces orchestres ?
Parmi les moments marquants de ma carrière musicale, mes premières prestations en tant que soliste occupent une place spéciale dans mon cœur. Ces moments m'ont été offerts par des compositeurs de renom comme José Alamá et Ferrer Ferran, qui m'ont soutenu dès mes débuts et ont cru en la clarinette basse en tant qu'instrument soliste. Je tiens également à évoquer notre tournée à Pékin et Hong Kong avec le Duo Antwerp. Nous y avons donné quatre représentations, dont l'une en ma qualité de soliste, accompagné par le Hong Kong Festival Wind Orchestra. À cette occasion, j'ai joué le concerto pour clarinette basse "The Castle of Doctor BassClar" de Ferrer Ferran, ainsi que les premières des doubles concertos pour clarinette basse et marimba accompagnés d'un orchestre symphonique : "Farnese Bridge" de Ramón García et "Spanish Dreams" de Pere Sanz.
De nombreuses compositions pour clarinette basse t'ont été dédiées. Peux-tu nous en dire davantage ?
J'ai eu l'opportunité de collaborer avec d'éminents compositeurs. Après m'avoir écouté jouer de la clarinette basse, ils ont été émerveillés par sa sonorité et ses capacités. Nombre d'entre eux ont souhaité composer une pièce pour cet instrument qu'ils venaient de redécouvrir. En général, ils n'avaient eu l'occasion de l'entendre que dans le contexte d'un orchestre ou, occasionnellement, en tant que soliste.
Quand un musicien se spécialise dans la clarinette basse et que des compositeurs l'écoutent, ils réalisent le potentiel de cet instrument : sa large tessiture de cinq octaves, sa capacité à produire des effets propres à la musique contemporaine, son timbre distinctif et sa prédisposition pour les passages lyriques. Pour ces artistes, c'est comme s'ils découvraient un nouvel instrument, ouvrant un univers de possibilités quasi illimitées. Ils se sentent alors inspirés à contribuer à ce répertoire en composant pour ce "nouvel" instrument.
Pour aboutir à une composition réussie, une communication continue et transparente entre le compositeur et l'interprète est essentielle. Ils doivent échanger sur les idées, les sonorités envisageables, les articulations, et les divers effets possibles.
Tu as été membre de jurys de concours de clarinette et instrumentaux. Quelles qualités recherches-tu chez les participants et quels conseils donnerais-tu aux jeunes musiciens qui se présentent à ces concours ?
Les jeunes musiciens d'aujourd'hui sont les grands professionnels de demain. Il est essentiel de les encourager car leur détermination à participer à un concours nécessite d'innombrables heures de pratique. Cela mérite toute notre admiration et notre soutien.
Dans les concours, notre quête est l'excellence. Ainsi, nous devons prendre en considération tous les éléments qui caractérisent un musicien complet. Si lors d'un récital privé, un artiste peut se permettre certaines libertés d'interprétation, un concours exige une fidélité absolue à la partition. Le rythme, la sonorité, la technique, la flexibilité, l'aisance et la musicalité sont tous des critères déterminants pour évaluer la compétence d'un interprète.
Peux-tu partager à notre communauté les compositions essentielles pour clarinette basse que tout clarinettiste basse devrait connaître ?
Sélectionner un ensemble d'œuvres est toujours un exercice délicat. On risque de faire des erreurs lors de cette sélection. Il faut également reconnaître que la clarinette basse est, à ce jour, l'un des instruments pour lesquels de nombreux compositeurs contemporains écrivent le plus. Le répertoire de cet instrument s'étoffe continuellement. Les musiciens ont du mal à suivre toutes les nouvelles compositions, d'autant plus que bon nombre d'entre elles restent inédites et pourraient s'avérer être des chefs-d'œuvre.
Je vais vous recommander une œuvre pour clarinette basse seule, une œuvre avec piano, une œuvre avec percussion, une œuvre avec quatuor à cordes, un concerto avec orchestre ou orchestre symphonique et une œuvre de musique contemporaine dans un format de musique de chambre.
La première œuvre que je recommande est la "Sonate" d'Othmar Schoeck, écrite en 1927-28, qui est la première sonate écrite à l'origine pour clarinette basse et piano.
Pour la clarinette basse solo, je recommande la "Sonate" du compositeur Harald Genzmer, écrite en 1986.
Pour clarinette basse et percussion, je recommande deux œuvres : "Spanish Dreams" du compositeur Pere Sanz, écrite en 2014, et "Duende" du compositeur Eduardo Nogueroles, écrite en 2015, toutes deux pour clarinette basse et marimba.
De l'Anglais York Bowen, je recommanderais son "Phantasy Quintet" pour clarinette basse et quatuor à cordes, écrit en 1935.
En ce qui concerne la musique contemporaine, je recommanderais le trio pour clarinette basse, flûte et piano "Nada queda al despertar" de Voro García, écrit en 2008.
Et comme concerto pour clarinette basse et orchestre d'harmonie ou symphonique, je recommanderais "The Castle of Dr. BassClar" écrit en 2013, le premier concerto pour clarinette basse écrit par le compositeur Ferrer Ferran, inspiré par le roman de Robert Louis Stevenson "L'étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde", et dans lequel le clarinettiste doit donner vie en se déplaçant sur la scène aux deux personnages représentant le bien et le mal. Le compositeur Ferrer Ferran lui-même commence à écrire la composition du deuxième concerto pour clarinette basse.
Peux-tu nous partager des noms de compositeurs (anciens ou actuels) qui ont écrit à l'origine des pièces pour clarinette basse ?
En ce qui concerne les compositeurs espagnols pour clarinette basse, je citerais Ferrer Ferran, José Alamá, Juan Meseguer, Salvador Brotons, Pere Sanz, Eduardo Nogueroles, Josep Roda, Xavi Zamorano, Manuel Morcillo, parmi d'autres qui commencent à écrire de la très bonne musique pour clarinette basse.
En ce qui concerne les compositeurs internationaux, je voudrais citer Othmar Schoeck, Wilfried Westerlinck, Michele Mangani, Dirk Brossé, Jan van der Roost, Jan Hadermann, Isang Yun, Carl Wittrock, et surtout les grands clarinettistes et compositeurs Sebastian Tozzola et Johnatan Rusell, qui ont de grandes œuvres pour clarinette basse, sans oublier les compositeurs français tels que Patrice Sciortino, Françoise Rasse, Jules Semler-Collery, Jean Pierre Pommier et bien d'autres encore.
Il y a une infinité de compositions et de très bons compositeurs pour la clarinette basse. Nous, clarinettistes basses, avons la chance d’avoir depuis la fin du siècle dernier une multitude d'œuvres de très bonne qualité qui ont été écrites pour la clarinette basse. Je voudrais tous les remercier et les invite à continuer d'écrire pour notre merveilleux instrument, la clarinette basse.
Quels conseils donnerais-tu pour réduire les grincements (les squeaks) sur la clarinette basse ?
Un "squeak" (grincement) survient lorsqu'une technique est mal exécutée ou lorsque le matériel utilisé ne convient pas aux spécificités individuelles de chaque musicien.
En général, les élèves que je forme à la clarinette basse sont déjà des clarinettistes aguerris ou possèdent un niveau convenable avec la clarinette Sib. Il leur est courant de tenter d'appliquer la même pression qu'ils utilisent avec la clarinette Sib sur la clarinette basse. Cela entraîne fréquemment des grincements, ce qui est assez frustrant. Mon conseil est que, pour jouer correctement de la clarinette basse sans grincements, il faut relâcher un peu plus l'embouchure par rapport à ce qu'on fait avec la clarinette Sib, tout en maintenant une bonne colonne d'air.
Quels sont tes projets musicaux actuels ou futurs que tu aimerais partager avec la communauté Steuer ?
Parmi mes projets à court terme figure la première du double concerto pour clarinette, clarinette basse et orchestre symphonique "Tarango" du compositeur David Rivas. Cette œuvre sera jouée le 8 décembre lors du Congrès européen de la clarinette à Tilburg. Lors de ce même congrès, d'autres compositions seront interprétées, dont certaines écrites par la pianiste et compositrice Mónica Cárdenas, pour clarinette basse et piano.
Plus tôt, en novembre, je jouerai en première plusieurs pièces pour clarinette basse et marimba, commandées par l'association valencienne des compositeurs COSICOVA à Valence. Il y aura également la première du concerto pour cor de basset et orchestre symphonique "Evolution" du compositeur Juan Meseguer.
L'engouement pour la création d'œuvres pour clarinette basse, cor de basset ou clarinette contrebasse ne cesse de croître. Actuellement, plusieurs pièces me sont dédiées, pour différents ensembles. Parmi elles, deux concertos pour clarinette basse et orchestre symphonique retiennent particulièrement mon attention : l'un de Xavi Zamorano et le second concerto pour clarinette basse et orchestre symphonique de Ferrer Ferran. Nous espérons que ce dernier, tout comme son prédécesseur qui a déjà été joué partout dans le monde, remportera un grand succès.
Peux-tu nous parler de ton choix d'utiliser des anches Steuer pour la clarinette basse et de la manière dont elles contribuent à façonner ta sonorité ?
Mon ami, le talentueux clarinettiste et clarinettiste basse Thierry Maison, m'a initié aux anches Steuer. Dès le premier essai, j'ai été frappé par leur souplesse, leur sonorité et leur capacité à s'adapter à ma façon de jouer. Ces anches sont issues de roseaux séchés à bon escient, puis sélectionnées manuellement. Ainsi, chaque anche est déjà préparée et adaptée au jeu sans produire de vibrations étranges dues à une certaine immaturité. Dès le début, les anches Steuer permettent d'exploiter pleinement les capacités de l'instrument. J'ai été tellement conquis que j'ai délaissé mes anches précédentes pour adopter exclusivement les anches Steuer.
Ce que je recherche avant tout dans une anche, c'est une grande flexibilité, un son riche et profond, tout en me permettant d'explorer diverses couleurs sonores sur l'instrument. Elle doit me permettre de passer du pianissimo au forte sans altération du timbre. Je tiens à maîtriser les registres aigus et suraigus, atteindre la cinquième octave de la clarinette basse, et réaliser toutes les techniques requises en musique contemporaine : slaps, frulatos, multiphoniques, etc. J'ai trouvé toutes ces qualités dans les anches Steuer.
Qu'as-tu pensé de ta visite de l'atelier Steuer ?
J’ai effectué une visite très enrichissante chez Steuer. Tout a commencé par la découverte de leurs plantations de roseaux dans le Var. J'ai été impressionné par l'attention portée aux plantations tout au long du processus naturel de croissance des roseaux. J'ai aussi été témoin de leur technique de séchage en plein air, où les roseaux sont méticuleusement retournés pour garantir un séchage homogène.
Par la suite, nous nous sommes dirigés vers l'usine Steuer située à Carqueiranne à 15km des plantations. Là, j'ai pu découvrir et apprécier l'art et la maîtrise derrière chaque anche produite. Leur processus est extrêmement rigoureux. Des sélections minutieuses sont opérées à chaque étape de la fabrication d’une anche, n’hésitant pas à écarter les éléments qui ne rempliraient pas les critères de qualité fixés. Cette visite m’a vraiment permis de constater que les professionnels de Steuer veillent à ce que les clarinettistes et saxophonistes disposent des meilleures anches.
Merci Daniel !
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